Gaston Chaissac à Sainte Florence

– ARTICLE
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Exposition de peinture Gaston Chaissac

– LETTRES

LETTRE DE CHAISSAC A THEODORE KOENIG, 1959

Extrait de lettre tiré du livre Chaissac vous écrit encore, p. 114-115 (éd. Le Vert Sacré, septembre 2000).
Lettre de Chaissac à Théodore KoenigExtrait de lettre tiré du livre Chaissac vous écrit encore, p. 111 (éd. Le Vert Sacré, septembre 2000).Cher ami, il semble bien que c’est en présentant sous son jour sympathique les gens dont je suis la risée et qui m’écrasent de leur profond mépris que j’aurais le plus de chance d’atteindre une grande célébrité. Aujourd’hui c’est la foire des essarts de septembre 1959, elle à lieu le second mercredi d’chaque mois. Hier c’était la rentrée scolaire et dans l’après midi j’ai fait un petit collage que j’ai dédicassé à Mme Simonne Garrigue, de Saint Nazaire qui a son époux voyageur rèprésentant qui s’occupe de la vente des chaises modernes faites à Ste Florence par eugêne chaillou avec du papier d’emballages et du reportage photographique en couleurs empruntées a un magazine en renom. […]

Dimanche à Ste Florence c’était sur un chétif terrain du presbytaire une fête de jeune bien pensants qui fût d’une certaine réussite. En rentrant dans la nuit en son domicile, Lily Sionneau chuta de son vélomoteur sous le regard d’un Drapeau D’l’adouinière. Il n’eut aucun mal mais l’engin un peu abimé fût conduit dès l’lundi matin en brouette à la forge du mécanicien forgeron par Jean Claude, le jeune frère de Lily. Non sans mal mais pour l’équilibre du vélo moteur embrouetté jean claude finit par embaucher jacques lhommeau, 12 ans, pour le tenir à sa gauche et noël cougnon, 13 ans pour sa droite et ainsi escorté il poussa sa brouette jusqu’à la forge comme ci c’était devenu un jeux d’enfant. […]

Nous avons un peu de pluie mais pas autant qu’il le faudrait. Les choux tardent à pommer. Mme odile attend un bébé. Pas encore pour très tout de suite.

C’est plutôt le vide autour de moi qui persiste. […]

Très amicalement. Gaston Chaissac.

Cher ami,

On est le 7 juin 1959, il y a un important concours de musique aux Essarts et c’est demain le premier anniversaire de la mort de béguine, la petite chienne du charron voisin à qui la route finit par être fatale. Elle fut écrasée par une auto des Herbiers et elle laissa des petits nas [pas] envore sevrés qu’on parvient à sauver. Il y a de ses regetons au alentours et Béguine elle-même était né de la chienne de Samuel Seilliers, fils de l’ancien maire de Ste Florence. Béguine n’en était même pas encore à sa dizième portée. Avec ça elle n’était pas béguine pour deux sous et même passablement chapardeuse. Mais paix a son âme. […]

Amicales salutations. Gaston Chaissac.

ARTICLE ECRIT PAR CHAISSAC A L’OCCASION DE L’EXPOSITION qu’il organise chez lui à Sainte Florence.
Texte de Jacques André sur Gaston Chaissac

Je fais ici, à Sainte-Florence, une importante exposition supercocasse, et la presse a déjà annoncé le vernissage qui a lieu le 19 prochain à 15 heures, sous la présidence du Dr André Chevalier, vice-président des Surindépendants de l’Ouest. Et déjà je jouis du spectacle, car c’est installé. Mon regard est plutôt attiré par le plus nouveau dans ma production, c’est-à-dire des machins faits spécialement pour cette circonstance, notamment une boîte rectangulaire dans laquelle sont entassées des guenilles multicolores, un assemblage de vieux bouts de cuir, un autre d’objets empruntés à la fumisterie. Oui, j’ai fait des emprunts à la fumisterie. Et puis j’ai des toiles encadrées de mousse à plat sur une table où sont aussi des pierres peintes, des pierres brutes assemblées, des boulets de charbon et même un de pierre, etc., et jusqu’aux débris d’une ardoise peinte cassée dans des conditions qui me restent inconnues. […]Le directeur artistique de la galerie la plus perméable n’accepterait jamais des choses pareilles. Et c’est d’autant plus du jamais vu, ça, que c’est dans une salle au plafond éventré. L’arrangement compte pour un tableau de plus. J’ai aussi emprisonné des guenilles multicolores dans un grillage. Les souches y sont aussi, bien entendu, ainsi que des détritus décorés et, pour vingt et un dessins ou gouaches, j’ai utilisé la porte vitrée et une vitrine comme cadres. A l’endroit éventré du plafond, j’ai suspendu des montants de bois sur lesquels sont fixés huit tableaux. Le tout à l’avenant, je n’ai que trente-deux choses dans des cadres réglementaires, sans compter le pas encadré du tout.NRF, n°21, septembre 1954.Papiers froissés, usagés, déchirés, racines et cailloux, raclures de toutes sortes, cirage, ripolin, bidon d’huile usagé, en bref tout ce qui reste après utilisation ou consommation trouve entre ses mains fonction expressive, valeur esthétique.

Le déchet, auquel l’artiste lui-même s’est assimilé, lui a permis d’exprimer et de représenter les laissés pour compte, les paysans, les artisans, les poètes et peintres œuvrant à contre-courant.[…]

Gaston Chaissac : dessin, lettre, écriture, in De la palette à l’écritoire, Université de Picardie (éd. Joca Seria, 1997).

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